Après le rejet de la révision de la loi sur le CO2 en juin dernier, il fallait vite rouvrir le débat pour prolonger le délai de validité de certaines mesures et ne pas se retrouver sans base légale. On comptait aussi sur la révision suivante pour aller de l’avant, avec des mesures plus fortes. Cette révision est arrivée très vite, il y a dix jours à peine. Le Conseil fédéral aurait-il saisi l’urgence d’agir? Qu’en partie seulement, parce que le projet reste timide, voire timoré. Aujourd’hui, on nous demande de combler un vide juridique, et demain, de faire un pas de fourmi, en misant sur les incitations et la technologie. Ces démarches sont justes et nous les soutenons, mais elles ont un défaut majeur: elles sont largement insuffisantes.

Vu l’immensité de l’enjeu et le retard accumulé, la proposition faite ici n’est malheureusement pas à la hauteur de l’urgence climatique. Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, qui date d’il n’y a pas si longtemps, c’était le 9 août 2021, cet été, est absolument alarmant. Nos ressources naturelles sont surexploitées, le déclin de la biodiversité s’accélère et l’activité humaine, notre manière de consommer le monde, atteint directement l’environnement et son écosystème. Ce groupe d’experts, dans un communiqué daté de cet été dit ceci: « Les scientifiques observent les modes d’évolution du climat dans toutes les régions de la planète et dans l’ensemble du système climatique […] Nombre des changements relevés sont sans précédent depuis des milliers, voire des centaines de milliers d’années et certains phénomènes déjà en cours – comme l’élévation continue du niveau de la mer – sont irréversibles sur des centaines ou des milliers d’années. Toutefois » – et c’est important de l’entendre – « des réductions fortes et soutenues des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et d’autres gaz à effet de serre limiteraient le changement climatique. »

Quelques semaines plus tard, un rapport de plusieurs agences onusiennes publié à Genève nous alarme. « Nous n’allons pas dans la bonne direction » cette année, affirme le secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale. De son côté, le secrétaire général de l’ONU ajoute que les perturbations sont déjà pires que ce que nous pensions et qu’elles vont bien plus vite que ce qui est prévu.

Ces propos ne sont pas catastrophistes; c’est la situation qui est catastrophique.

Nous avons les moyens directs et immédiats de contribuer à améliorer la situation. Nous avons non seulement les moyens de le faire ici, mais nous avons aussi le soutien de la population car le non à la loi sur le CO2 n’était pas un non à la protection du climat, ni une invitation à revenir en arrière. On peut faire écho à l’analyse Vox de GFS Berne qui était très claire: elle dit que 68 pour cent des votantes et des votants, le 13 juin dernier, veulent des mesures plus décisives contre le réchauffement climatique.
Nous nous apprêtons ce matin à prolonger l’objectif de réduction des émissions de CO2 jusqu’à 2024. C’est très bien, mais notre mission ne doit pas s’arrêter là. Profitons de cette loi ouverte pour y mettre au minimum des éléments qui n’ont pas été combattus pendant la campagne de votation, comme la place financière, évidemment, ou les vols en jets privés. Car ce n’est pas la prochaine révision de la loi qui nous promet beaucoup plus d’ambitions.

Comment imaginer réduire les émissions de l’aviation en subventionnant les compagnies qui feraient recours de manière marginale à du carburant synthétique? C’est pourtant la proposition de la nouvelle révision, soit une petite goutte face à la nécessité de réorienter notre mobilité vers le rail et des trains rapides ou des trains de nuit.

La révision n’aborde pas la place financière qui émet pourtant vingt fois plus de CO2 que l’ensemble des entreprises et des ménages réunis en Suisse. Pas une parole non plus sur des prescriptions sur la mise en place de règles plus contraignantes pour l’importation de nouveaux véhicules ou pour l’installation de chauffages durables.
Le Conseil fédéral a décidé de miser avant tout sur des mesures d’incitation et espère que la population et l’industrie y participeront. Est-ce que cela sera suffisant? La réponse est simple: non, ce ne sera pas suffisant et de nombreux scientifiques reconnus et interpellés dernièrement sont aussi de cet avis.

Les incitations paraissent donc bien peu de chose tant que nous n’aurons pas un programme d’investissement massif pour soutenir l’économie et la société dans le changement climatique et accompagner le développement d’alternatives à nos modes actuels de consommation et de développement.
Maintenant, je vous propose que nous fassions un pas en acceptant l’entrée en matière, mais travaillons cette loi de manière à l’améliorer.