À l’heure de la disette budgétaire généralisée, il semble raisonnable de revoir un certain nombre de projets non essentiels et de concentrer les efforts d’investissements sur la pérennité des services publics pour l’ensemble de la population.

Et à l’heure de l’urgence climatique absolue, il paraît pour le moins rationnel de stopper l’ensemble des vieux projets d’infrastructures venant artificialiser les sols pour privilégier la sauvegarde des terres agricoles. En 2024, ce simple constat factuel devrait être partagé par l’ensemble de la classe politique. Pourtant, dans le Chablais, à quelques encablures de Genève, un groupe d’élu·e·s de droite, chaperonné par le lobby autoroutier, résiste encore et toujours à la nécessaire transition.

Ainsi le 11 octobre dernier, lors du Congrès des maires de Haute-Savoie, la ministre du Partenariat avec les territoires, Catherine Vautrin, aux côtés du ministre de l’Économie, Antoine Armand, annonçait avoir signé le document officialisant la concession de l’A412, la future autoroute tant controversée dite «du Chablais» entre Machilly et Thonon, à l’entreprise Eiffage. Le président du conseil départemental Martial Saddier, la députée du Chablais Anne-Cécile Violland, la sénatrice de Haute-Savoie Sylviane Noël et l’ensemble des élu·e·s présent·e·s saluaient alors une «vraie victoire».

Mais une victoire pour qui en l’occurrence? Pour l’entreprise Eiffage qui va pouvoir encaisser durant cinquante-cinq ans le fruit de ses futurs péages, il n’y a aucun doute. Cependant, pour l’intérêt général, celui de la population du Chablais et au-delà de l’ensemble du bassin genevois, pour la préservation de forêts, de terres agricoles et de zones humides afin d’atténuer le changement climatique, il y a vraiment de quoi être atterré devant l’artificialisation de l’équivalent de 242 stades de foot.

Cette autoroute entre Machilly et Thonon, serpent de mer depuis quarante ans, est une véritable aberration totalement anachronique en termes économiques et écologiques. Il faut d’abord rappeler que même si la subvention initialement prévue de 110 millions d’euros a été revue et que les fonds publics annoncés ne seraient plus que de 12 millions d’euros, ce sont toujours des sommes en moins pour le financement de transports publics décarbonés. À l’heure où l’État impose aux collectivités une politique d’austérité inédite, il est assez sidérant de voir un département trouver encore des millions d’euros pour des projets routiers climaticides.

Alors que le Léman Express, fruit d’une longue concertation entre les autorités suisses et françaises, a été inauguré en 2019 afin d’améliorer l’offre ferroviaire et d’inciter notamment les travailleurs frontaliers du Chablais à emprunter davantage le train, ce projet routier va rajouter au contraire des milliers de voitures sur la route. Ce, sans aucune concertation avec Genève, alors que la pollution que générera la future autoroute concerne l’ensemble du bassin genevois des deux côtés de la frontière et que la Suisse vient tout juste de refuser ce 24 novembre en votation populaire l’agrandissement de ses autoroutes.

Il est tout de même rassurant de voir que de plus en plus de collectifs de riverains, d’agriculteurs et même de chasseurs rejoignent les écologistes pour dénoncer ce projet du siècle dernier, de même que d’élu·e·s genevois·e·s de toutes tendances politiques. C’est pourquoi l’ensemble des Vert·e·s et des Écologistes du bassin genevois des deux côtés de la frontière vont continuer de se battre à leurs côtés afin d’en finir avec le tout routier pour porter des politiques publiques à la fois concertées et enfin dignes des enjeux du XXIe siècle.

**Texte cosigné par Alfonso Gomez, ex-maire de Genève, Fabienne Grébert, conseillère régionale de Haute-Savoie, Benjamin Joyeux, conseiller régional de Haute-Savoie, Sophie Boussemart, secrétaire régionale Les Écologistes Pays de Savoie, Elisabeth Charmot, ex-élue de Thonon-les-Bains et membre de l’ACPAT (Association de concertation et de proposition pour l’aménagement et les transports)