Madame la Conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider
Madame la Conseillère d’Etat genevoise Carole-Anne Kast,
Madame la Secrétaire d’Etat aux migrations Christine Schraner Burgener,

Vous êtes trois femmes socialistes aux commandes de ce qui concerne l’asile en Suisse et à Genève.

Et c’est à vous, femmes et socialistes, que nous nous adressons aujourd’hui: vous éveillez de grands espoirs pour ceux et celles concerné·es par l’asile, et l’opportunité de faire bouger les lignes vous est offerte. Alors n’ayez crainte et saisissez-là sans hésiter! Car non, la Suisse n’est pas que la Suisse de l’UDC. On est là, nous aussi. Et on veut une Suisse ouverte et accueillante, même pour les personnes qui viennent de loin et sans ressources économiques.

Vous le savez, nous le savons:

– Les autorités croates exercent une violence physique et psychique systématique sur les personnes requérantes d’asile qui transitent sur leur territoire. Les témoignages et rapports à ce sujet se sont succédés ces derniers mois;

– Ces violences ont lieu aux frontières comme à l’intérieur du pays; nous sommes donc en droit de craindre qu’elles puissent également être exercées sur les personnes renvoyées vers la Croatie au nom du règlement Dublin;

– L’accès aux soins est déficient en Croatie, particulièrement en ce qui concerne les soins psychiatriques;

– Renvoyer une personne vers l’Etat responsable des violences subies induit un risque important de retraumatisation.

Pourtant, les décisions du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et du Tribunal administratif fédéral (TAF) continuent de tomber comme si de rien n’était, déployant un tissu de «copier-coller» d’affirmations qui en deviennent grotesques tant elles sont de mauvaises foi: «aucun élément ne fait penser que la procédure d’asile et le système d’accueil des requérants d’asile en Croatie souffrent de défaillances systémiques, qui auraient pour conséquence un risque de traitement inhumain ou dégradant»; «aucun indice concret laisse penser que ces personnes risquent d’être renvoyées en Bosnie (expulsions en chaîne) ou qu’elles soient systématiquement exposées à des actes de violence de la part des autorités de police croates»; «en ce qui concerne les soins médicaux, il convient de noter que la Croatie dispose d’une infrastructure médicale suffisante et fournit des prestations médicales appropriées.» Mensonges!

Depuis début 2023, le SEM a rendu 1991 décisions de ce type, des «NEM (non entrées en matière) Dublin Croatie». Et il a effectué 158 renvois vers ce pays, dont au moins un depuis Genève. Alors, c’est vrai, beaucoup de personnes ne sont finalement pas renvoyées. Mais le poids de l’attente, la menace de voir arriver la police n’importe quand est insupportable. Hospitalisations, tentatives de suicide, troubles psychiques, médicaments: les personnes concernées se retrouvent dans une spirale infernale.

Aujourd’hui, nous vous demandons d’être fières d’annoncer que Genève et la Suisse stoppent dès maintenant les renvois vers la Croatie, car ce pays n’est pas sûr pour les requérant·es d’asile.

Ne plus être sous la menace d’un renvoi permettra notamment à M. et G. de s’occuper avec toute leur attention de leur bébé de 840 grammes, né très prématurément juste après l’annonce de leur décision de renvoi vers la Croatie; à T. et A. de voir leur bébé de 10 mois grandir et s’épanouir; à P. de continuer à apprendre le français en vue de son intégration professionnelle qui a déjà commencé; à S., arrivé très jeune, de se concentrer sur ses études.

Madame la Conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneide, Madame la Conseillère d’Etat genevoise Carole-Anne Kast, Madame la Secrétaire d’Etat aux migrations Christine Schraner Burgener: soyez courageuses et stoppez les renvois vers la Croatie maintenant!

 

Avec le soutien de: Alain Bolle, directeur du Centre social protestant-Genève; Anne Madeleine Reinmann, responsable protestante pour l’Agora; Carlo Sommaruga, conseiller aux Etats; Charles Beer, ancien président du Conseil d’Etat; Christian Dandrès, conseiller national; Delphine Klopfenstein, conseillère nationale; Dominique Ziegler, auteur-metteur en scène; Giuliana Canonica Hemmeler, psychiatre à Appartenances; Jean Ziegler, ancien vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme; Laurence Fehlmann Rielle, conseillère nationale; Liliane Maury-Pasquier, ancienne conseillère aux Etats; Lisa Mazzone, conseillère aux Etats; Maria Bernasconi, ancienne conseillère nationale; Nicolas Wadimoff, réalisateur; Philippe Currat, avocat admis sur la liste des conseils de la Cour pénale internationale; Pierre Morath, athlète et documentariste; Samia Hurst-Majno, médecin et éthicienne; Sophie Buchs, directrice de Caritas-Genève; Ueli Leuenberger, ancien conseiller national; Virginie Hours, responsable catholique pour l’Agora; Zep, dessinateur.