PRO VELO info : La loi sur les voies cyclables a été officiellement adoptée par le Parlement fédéral le 18 mars dernier. Qu’est-ce que cela signifie pour les cyclistes suisses ?

Delphine Klopfenstein Broggini : L’adoption de cette loi représente tout d’abord un immense succès pour PRO VELO !  Tout a commencé en mars 2015 lorsque nous avons lancé notre initiative vélo, et récolté une jolie victoire trois ans après, avec son acceptation sous forme de contre-projet par plus de 73% des votant•es, et par la totalité des cantons. Cette victoire était inattendue et a représenté alors une exception politique : les associations du comité unitaire n’étaient pas nombreuses et faisaient face aux milieux automobiles bien plus puissants. Avant d’être adoptée par le Parlement en mars 2022, la loi sur les voies cyclables a été longuement discutée au sein du Conseil national et du Conseil des États et de leur commission des transports respective. Dans ce processus politique de longue haleine, nous avons su nous entourer de bons partenaires et surtout ne rien lâcher!

Nous avons désormais établi des bases légales formelles, les mêmes qui avaient permis aux Pays-Bas d’entamer leur révolution cycliste dans les années 70. Nous avons certes un retard de près de 50 ans, mais nous pouvons nous donner les moyens d’aller vite. Aujourd’hui, la loi existe, la légitimité du vélo ne peut plus être remise en question : c’est donc au tour de la Confédération et surtout des cantons et des communes de passer à l’action.

Pouvons-nous donc nous attendre à une transformation de l’infrastructure cyclable suisse ?

Les communes et les cantons ont cinq ans à partir de l’entrée en vigueur de la loi sur les voies cyclables pour planifier les nouvelles infrastructures. Celles-ci devront ensuite être réalisées dans les 15 années suivantes. Donc, oui, une transformation doit être programmée et nous, PRO VELO, veillerons à ce qu’elle soit réalisée le plus rapidement possible. 15 ans c’est trop long, il faudra aller plus vite. 

De quel type d’infrastructures est-il question ?

La loi prévoit l’aménagement d’un réseau de voies cyclables « cohérent, continu, homogène, et séparé du trafic motorisé et piétonnier ». Concrètement, cela signifie la création d’espaces dédiés aux cyclistes, dans une logique sécuritaire mais aussi pendulaire et de loisirs : pistes cyclables en site propre directes et sûres, voies vertes avec aires distinctes vélo-piéton.

Vous paraissez bien optimiste… Le passé a montré que les voies de recours et les stratégies pour ne pas appliquer des lois pourtant existantes sont multiples. La nouvelle loi ne risque-t-elle pas de finir dans un tiroir, de ne jamais être appliquée sur le terrain, faute de volonté politique dans les communes, ou simplement par manque de moyens financiers ?

Le cadre légal est un levier important mais les lobbies resteront déterminants pour mettre en oeuvre les décisions. Plus que jamais l’association PRO VELO devra jouer son rôle d’experte et mettre la pression sur les autorités pour des réalisations cyclables adaptées, efficaces et rapides. Cette loi apporte une légitimité au vélo, c’est-à-dire un terrain plus fertile pour lui octroyer la place qu’il mérite. 

Quel est le rôle de PRO VELO dans la suite du processus ?

PRO VELO a contribué à créer un contexte idéal, nous devons maintenant exercer une forte influence auprès des administrations cantonales et communales, en suscitant un dialogue constructif avec les autorités. Il s’agit d’une part de la volonté de la population qui s’est exprimée très largement en faveur du vélo, mais aussi d’une réponse claire face à l’urgence climatique.

Osons une vision d’avenir : A quoi ressembleront les villes romandes dans 20 ans ?

Cette loi vélo doit entamer un processus de décarbonisation et de démotorisation de nos villes. Chaque année la mobilité douce rapporte 1,4 milliards de francs à la collectivité, car elle protège l’environnement et booste notre santé. Dès lors que la plupart de nos déplacements quotidiens font moins de cinq kilomètres, le vélo pourrait devenir la pièce maîtresse des villes de demain. Décliné sous toutes ses spécificités, le vélo, qu’il soit mécanique, cargo, charrette, électrique ou autre, participera à la vélorution comme il l’a fait il y a un demi-siècle
au Danemark et aux Pays-Bas.

Edito du Pro Vélo Info

Nous avons été très patient•es ! Il aura fallu sept ans pour que notre initiative vélo soit votée par la population sous la forme d’un contre-projet, puis déclinée en loi par le Parlement national. Nous ne laisserons plus filer une seule minute pour la mise en oeuvre de ces décisions. Les bases légales sont maintenant établies : ce même
type de socle juridique avait justement permis aux Pays-Bas d’entamer leur révolution cycliste dans les années 70.

La Suisse a certes un retard de près de 50 ans à rattraper, mais nous avons les moyens d’avancer vite. En réglant pour l’essentiel la manière dont les cantons doivent planifier leurs aménagements pour les cyclistes, cette nouvelle loi véhicule l’obligation de développer des réseaux cyclables sur l’ensemble du territoire suisse : des pistes cyclables directes pour les pendulaires, des voies vertes ou encore du stationnement vélo… les moyens d’action sont nombreux. Même les plus récalcitrant•es n’auront plus aucune excuse ! C’est une avancée notoire pour le vélo : sa légitimité ne pourra plus jamais être contestée.

Entamons sans attendre le processus de décarbonisation et de démotorisation de nos villes et faisons du vélo la pièce maîtresse du développement urbain ! À PRO VELO, nous en étions déjà bien convaincu•es et nous serons désormais dans notre bon droit d’être encore plus exigeant•es !

Face à l’urgence climatique plus aucun détour n’est permis et il faut désormais se hâter un peu plus vite…

Delphine Klopfenstein Broggini
Conseillère nationale et vice-présidente de PRO VELO Suisse