[Tribune de Genève – L’invité – 12 octobre 2023] La crise sociale est aussi alimentaire
Texte paru dans la rubrique Invitée de la Tribune de Genève du 12 octobre 2023.
Le 18 juin dernier, la population genevoise a inscrit le droit à l’alimentation dans sa Constitution cantonale. Si Genève a plébiscité cette démarche, avec presque 70% de oui en votation populaire, la Suisse peut lui emboîter le pas. C’est dans cette perspective que j’ai déposé au Conseil national l’initiative parlementaire «L’accès à l’alimentation, un droit fondamental». Elle veut ajouter à l’article 12 de la Constitution fédérale le nouvel alinéa: «Le droit à l’alimentation est garanti. Toute personne a droit à une alimentation adéquate, ainsi que d’être à l’abri de la faim.»
Le monde agricole a un rôle crucial à jouer dans la réalisation du droit à l’alimentation en Suisse. Car s’il s’agit de garantir le droit d’être à l’abri de la faim, il s’agit aussi de respecter, protéger et réaliser pleinement le droit de toutes et tous d’avoir accès à une alimentation quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante qui assure une vie digne. Rudi Berli, président d’Uniterre Genève et lui-même paysan, a d’ailleurs étroitement contribué à la réflexion, également Christophe Golay, chercheur à l’Institut de hautes études internationales et du développement, spécialiste du droit à l’alimentation.
J’ai déposé au Conseil national l’initiative parlementaire «L’accès à l’alimentation, un droit fondamental.
Cette démarche s’inscrit plus généralement dans la direction tracée par l’Assemblée générale des Nations Unies, qui a reconnu le droit à l’alimentation dans sa Déclaration universelle des droits de l’homme, en 1948 déjà. Plus tard, en 1966, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dont la Suisse fait partie, reconnaît à son tour le droit à l’alimentation, plus spécifiquement le droit à une alimentation adéquate et le droit fondamental d’être à l’abri de la faim.
Aujourd’hui, l’aide alimentaire, telle qu’elle se pratique en Suisse, relève de l’aide d’urgence et du bénévolat, or nous avons besoin d’une véritable politique publique de l’alimentation, transversale et cohérente. C’est au fond le passage d’une vision philanthropique à un droit inconditionnel, sur le modèle de ce qui existe déjà en matière d’égalité, de liberté d’opinion ou de droit à un enseignement de base, par exemple.
À Genève, plus de 60 actrices et acteurs issu-e-s de la société civile et engagé-e-s dans la production agricole, la distribution, la restauration, la consommation, l’aide sociale et alimentaire, l’économie sociale et solidaire, la protection des droits humains, de l’environnement et du climat ont publié un Manifeste pour le droit à l’alimentation afin de «changer de paradigme» en passant de l’aide alimentaire au droit à alimentation. Ce manifeste donne des pistes concrètes pour mettre un œuvre ce droit dans notre canton. Une expérience qui sera très utile au niveau national.L’initiative déposée à Berne a le soutien de parlementaires Vert.e.s, socialistes, Vert’libéraux et du Centre, la même coalition politique qui avait soutenu le texte genevois en juin dernier.