[Communiqué Pro Vélo – 2 avril 2025] « Les dernières statistiques induisent en erreur”
Les cyclistes ont-ils des accidents parce qu’ils sont inattentifs? C’est ce que certaines statistiques récentes laissent entendre. «Les derniers chiffres publiés induisent fortement en erreur, réagit Delphine Klopfenstein Broggini, présidente de PRO VELO Suisse. Il faudrait les pondérer avec le nombre de vélos en circulation et avec les distances parcourues, qui augmentent», souligne-t-elle. PRO VELO exige une adaptation rapide des infrastructures au sens de la Loi sur les voies cyclables (LCV).
Dans toute l’Europe, le vélo est le seul moyen de transports qui n’a pas connu de baisse du nombre d’accidents mortels depuis les années 2010. En 2020, 10% des morts de la route et 24% des blessés graves étaient des cyclistes, contre, respectivement, 7% et 15% en 2011. Selon l’Observatoire européen de la sécurité routière, qui publie ces chiffres1, les raisons en sont multiples: augmentation du nombre de kilomètres parcourus à vélo d’une part, infrastructures insuffisantes d’autre part, mais aussi le comportement des cyclistes ou encore les lacunes dans l’application de la loi.
En Suisse, l’évolution est semblable. La proportion d’accidents de vélo augmente (ils représentaient près de 46% de tous les accidents de la route en 2022), tandis que celle des voitures accidentées diminue. Il faut distinguer les chiffres des assurances (qui versent des indemnités) de ceux de la police, qui n’intervient pas dans tous les cas d’accident.
E-bikes et voitures: même risque
Un constat: le nombre de personnes grièvement blessées ou perdant la vie à vélo diminue constamment, comme le montre l’Office fédéral des routes (OFROU)2 . En revanche, le nombre de décès lors d’accident avec des vélos électriques a augmenté. De 2020 à 2024, il est passé de 15 à 25 (sur 250 au total, dont 81 en voiture). Le nombre de blessés graves avec vélos électriques est passé de 521 à 595 entre 2020 et 2023 et a diminué en 2024 (à 533, sur un total de 3792).
Le parc automobile suisse comptait 4,8 millions de véhicules en 2024, le parc vélos en recensait 5,2 millions (musculaires) et 1,4 million (électriques). Si l’on compare le nombre de morts au nombre de véhicules, la mortalité s’est élevée à 0,017‰, en 2024, tant pour la voiture que pour le vélo électrique.
Les chiffres de vente de vélos confirment la corrélation entre accidents et nombre de vélos: selon Velosuisse (association suisse de fournisseurs de bicyclettes), le vélo électrique n’est pas plus dangereux que le vélo musculaire. «Les distances parcourues sont environ trois fois plus longues, explique l’association. Si l’on rapporte ce chiffre au nombre de kilomètres parcourus, le vélo électrique est même plus sûr que le vélo» (musculaire). Les vélos électriques sont souvent plus stables et ont des freins plus puissants. Certains modèles sont équipés d’un ABS. L’obligation d’allumer les feux de jour, en vigueur depuis 2023, est unique au monde. Et les vitesses moyennes ne sont pas aussi élevées que souvent prétendu: 14,6 km/h pour les e-vélos 25.
Dans son dernier communiqué, la Suva met en cause l’inattention des cyclistes. Ce facteur est effectivement la première cause d’accident pour les vélos musculaires et la deuxième pour les vélos électriques (lents et rapides), mais aussi la deuxième pour les voitures et les motos. L’état des infrastructures, qui n’est jamais cité comme un facteur d’accident pour les voitures de tourisme, est cité dans les accidents de deux-roues, motorisés ou non.
L’inattention: un problème pour tous les types de transport
En 2020, le Bureau de prévention des accidents (bpa) avait déjà analysé le problème d’inattention dans les différents modes de transport. Il en est ressorti qu’«environ 30% des automobilistes observés était détournée par une distraction». Ce pourcentage était de 20% chez les cyclistes et de 48% chez les piétons.
Pour Delphine Klopfenstein Broggini, il n’est donc pas établi que «la conduite à vélo serait plus dangereuse aujourd’hui qu’hier. Mais tout mort et tout blessé sont un mort et un blessé de trop etil faut tout faire pour diminuer le nombre d’accidents.» Pour augmenter la sécurité des cyclistes, “nous devons actionner plusieurs leviers. Augmenter la distance latérale de dépassement, comme nous le demandons, en est une. Obliger les camions à rouler au pas lorsqu’ils tournent, dans les localités, en est une autre. Il faut aussi mettre en œuvre la Loi sur les pistes cyclables, la LCV, dans les délais et assurer par là une plus grande sécurité grâce à une infrastructure adaptée et une répartition plus juste de l’espace public.Une augmentation des moyens de la Confédération y contribuerait largement.”
PRO VELO en est persuadée: avec l’effet de la masse critique, plus il y aura de cyclistes, plus la sécurité de ces derniers sera assurée.» Et s’il est impossible d’établir une causalité précise, un constat s’impose: le nombre d’accidents est plus élevé dans les pays où l’on roule le plus à vélo (Pays-Bas, Allemagne, Danemark, Belgique). Les Pays-Bas et le Danemark ont toutefois réussi à faire baisser le nombre de morts et de blessés en améliorant les infrastructures.